Tendre vers le "mieux" - Les problèmes d'approvisionnement de la filière bio

Publié par Lila Rousselet le

 J’ai écrit cette phrase en avril 2020, au tout début de la folle aventure d’un virus, si petit mais si embêtant. J’avais envie de commencer ce texte par vous dire qu’on est loin d’être parfait chez Montloup mais que chaque jour est un nouveau pas vers le mieux.

Comme vous le savez, la plupart de nos tissus sont fabriqués à partir de coton biologique. En chiffre, le coton biologique représente 82% de notre production en 2020.

Une des répercutions positives de la crise du corona virus est celle d’avoir soulevé des interrogations chez les consommateurs•trices et d’avoir incité les marques de vêtements à se tourner vers des modes de fabrication plus respectueux de l’environnement, en utilisant, en autre, davantage de fibres biologiques comme le coton. On ne peut que se réjouir de la popularité grandissante de cette fibre mais il faut savoir que le coton biologique représente moins de 1% de la fabrication mondiale annuelle de coton[1] et qu’il faut 3 à 5 ans pour un•e agriculteur•trice pour passer d’une production conventionnelle à biologique.

La demande est telle que la filière d’approvisionnement ne suit plus et que les quantités de coton biologiques mondiales sont épuisées. À cela s’ajoute la crise des transports avec un nombre de containers voyageant de l’Asie au monde occidental réduit, entrainant une hausse conséquente du fret[2].

Ce n’est pas propre au Québec, l’ensemble du secteur est affecté.

Graphique : Biomimicry - The Nature of fashion

Je reste cependant persuadée que les matières premières, aussi écologiques soient-elles, ne suffiront pas à engager la transition si l’on ne s’interroge pas fondamentalement sur notre façon de produire et de consommer[3].

Qu’une entreprise à grande échelle remplace l’ensemble de sa production par des matières biologiques tout en continuant de produire en masse ne peut pas résoudre le problème.

Pourquoi ?

Parce que l’agriculture conventionnelle avec pesticides a justement été inventée pour soutenir la demande de l’industrie de masse. L’agriculture biologique tout comme l’agriculture régénératrice, respecte le cycle de la nature, et qu’on le veuille ou non, ce cycle prend du temps et ne peut subvenir à un besoin massif.

« I have looked long and hard. Seriously, at trying to find an example of where large-scale extraction of wildlife is sustainable. It just doesn’t exist.”

Dr Sylvia Earle, océanographe, exploratrice, auteure et conférencière américaine

C’est la raison pour laquelle j’ai fait le choix de conserver une production plus petite en restant accessible aux designers et aux acteurs de la mode locaux.

Je pense qu’aujourd’hui, il est nécessaire de produire moins mais mieux et de soutenir les entreprises locales qui vont dans le même sens.

Selon la porte-parole de L’Uit (Union des Industries Textiles) Anne-Laure Milhe, un retour à la normale devrait se faire à l’automne 2021, à la suite des récoltes.

Avant de se retrouver dans nos vêtements, la fibre de coton provient d’un arbuste, le cotonnier, qui pousse principalement dans des zones tropicales et subtropicales. Il s’agit d’une culture exigeante et sensible puisqu’elle nécessite 120 jours de pluies abondantes pendant la pousse ainsi qu’une période de soleil, de chaleur et de sécheresse pendant la maturation de la plante. Il fleurit en été et se ramasse à la fin de celui-ci. Pour produire du fil, il faut que celui-ci passe entre les mains des ouvriers des filatures qui vont le carder, le peigner et ensuite le filer. 

De nos jours, on est tellement déconnecté de notre système de production (que ce soit pour l’alimentation ou l’habillement) qu’on en oublie les saisons qui rythment les plantations.

C’est vraiment cette idée de déconnexion qui ressort des belles discussions auxquelles j’ai assisté au cours des dernières semaines.

Comment faire pour refaire du lien ? Reconnecter ?

J’écrivais en avril 2020 que

« C’est en ramenant la production à des échelles plus humaines que l’on pourra tendre vers des modes de vie plus durables. »

Je crois que cette pensée fait encore plus de sens aujourd’hui.

Graphique : Biomimicry - The Nature of fashion

Pour reconnecter, il faut comprendre qu’il y a déconnexion et recoller les morceaux.

Pour pouvoir le faire, il faut s’interroger, se renseigner, comprendre. Plus le périmètre est petit, et plus il est facile de venir créer du lien. Bien que le tricotage et la finition se fasse dans un périmètre de moins de 500 Km, le fil, lui, venait toujours d’Asie. J’ai commencé mes recherches au Québec, puis je les ai élargies aux États-Unis pour trouver des fabricants de coton biologique américain dont la fibre pousse au Texas ainsi qu’une fabricante de laine, dont les moutons sont élevés en Californie. J’ai hâte de vous en dire plus sur ces découvertes et sur les projets que nous allons développer ensemble !

Ce qui m’enchante dans ces nouvelles relations, c’est la proximité des fabricants, leur accessibilité et leur engagement pour l’environnement. À terme, c’est l’ensemble de notre production qui sera traçable et plus locale avec ce grand rêve que je partage avec vous :

[1] https://www.modeintextile.fr/production-de-coton-biologique-hausse-de-56/#:~:text=Le%20rapport%20montre%20que%20la,quantit%C3%A9%20totale%20de%20coton%20produite

[2] https://www.journaldutextile.com/les-prix-des-matieres-premieres-et-du-fret-explosent

[3] https://la-mode-a-l-envers.loom.fr/du-charbon-dans-le-coton-pourquoi-la-mode-doit-reduire-sa-production/

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