Agriculture régénératrice et production de vêtements

Agriculture régénératrice et production de vêtements

Publié par Lila Rousselet le

Pourquoi parle-t-on d’agriculture dans la production de vêtements ?

 

Parce que la production textile repose en partie sur l’agriculture. Que ce soit pour la culture du coton, du chanvre, du lin ou encore du bambou, de l’eucalyptus ou de la pulpe de bois pour les matières artificielles, les vêtements que nous portons ont, en partie, une origine naturelle. Textile exchange estime qu’en 2019, environ 35.5% de la production totale de fibres étaient d’origine naturelle (plante ou animal)*. Ce qui laisse un bon 64.5% aux fibres à base d’hydrocarbures. C’est énorme mais on en parlera dans un autre article. 

 

[ Crédit photo Yves Junge ]

 

DONC, chez Montloup, 98% des fibres que nous utilisons sont d’origine naturelle.

Si l’industrie textile est l'une des plus polluantes, il est urgent de s'intéresser et de mettre en place des pratiques qui, à grande échelle, pourraient améliorer considérablement la vie sur la planète. 

 

À l'état naturel, la planète régule le cycle du carbone en maintenant un équilibre entre l'atmosphère et le sol. Mais l’activité humaine est venue perturber cet équilibre créant une accumulation de carbone dans l'atmosphère et entrainant de fait, le réchauffement climatique.

 

Une des solutions dont on entend de plus en plus parler est l’agriculture régénératrice. Elle n’est pas propre au textile et peut s’appliquer à tous les types de cultures.

L'agriculture régénératrice est une solution d'avenir pour rééquilibrer le cycle du carbone et ainsi réduire les effets du réchauffement climatique

C'est une approche holistique qui utilise le pouvoir des plantes, qui, par la photosynthèse, viennent séquestrer le carbone dans les sols. Les pistes de solutions sont nombreuses et résident dans une agriculture verte avec des sols plus fertiles, en favorisant la biodiversité et la diversification des cultures, bref, en améliorant considérablement la santé des sols**. 

Ces pratiques régénératrices s'appuient sur des connaissances indigènes pratiquées par les autochtones et développées à l’échelle locale au fil des siècles. Les pratiques holistiques de gestion des terres sont essentielles aux systèmes d'agriculture régénératrice***.

 

Ce qui est intéressant c’est que ces projets sont ancrés dans les localités. À chaque région, ses spécificités et un écosystème qui lui est propre. 

 

Pour le cas qui nous intéresse, le textile, une des références en la matière provient d’un organisme à but non lucratif, Fibershed.

Basé en Californie et fondé par Rebecca Burgess, la mission de Fibershed est basée sur le développement régional de l’agriculture pour la production de fibres destinées principalement au textile. Leur travail colossal regroupe des cartes de producteurs locaux de fibres, de teintures naturelles et biologiques, des études sur la santé des sols par l’agriculture régénératrice, des pistes de solutions pour se sortir de la dépendance au plastique, des études sur la dangerosité de la pollution micro-plastique, et j’en passe. Leur champ d’expertise est immense pour un domaine tout aussi vaste. De la Californie, le projet s’est étendu à différentes régions du monde, il existe même un Fibershed au Canada, en Ontario. 

C’est en lisant le livre écrit par Rebecca Burgess que j’ai découvert les deux fabricantes dont je vais vous parler.

 

[ Sally Fox – Crédit photo Paige Green ]

 

La première, Sally Fox, propriétaire de l’entreprise Vreseis, est une productrice de coton biologique. Elle vit dans une région rurale de la Californie, pas loin de Sacramento. Au fil des années, elle a développé un champ d’expertise dans la culture de coton naturellement teint. Allant des bruns aux verts, ces variétés de coton, une fois tissés ou tricotés conservent leur teinte qui peut évoluer au fil du temps. Certifié GOTS, Sally a également implanté une variété de pratiques pour entretenir la santé de son sol. Elle plante notamment des pois noirs pour attirer les insectes nuisibles et les éloigner des plants de coton. Elle pratique la rotation des cultures en association avec des moutons mérinos dont les excréments viennent nourrir les sols. Ce qu’il faut savoir c’est que les animaux jouent un rôle important dans les pratiques régénératrices.

 

Les cotons de Sally ont été filé en Caroline du Nord par l’entreprise Hill Spinning. Ils ont été mélangés avec du coton biologique en provenance du Texas. Nous avons profité de ces merveilleuses couleurs pour créer des rayures et de magnifiques effets chinés. 

 

 

 

 

La seconde, Lani Estill est propriétaire de l’entreprise Lani’s Lana wool. Également basée en Californie, elle élève des moutons Rambouillet pour la production de la laine. 

 

[ Photo de Lani Estill – Crédit photo Anna Odendaal ]

 

Elle a notamment participé au programme « Climate Beneficial Wool » de Fibershed. Il s’agit d’une étude menée par le docteur Delonge qui prouve que la fabrication d’un vêtement de laine pourrait avoir un impact CO2 négatif et donc séquestrer plus de carbone qu’en émettre. L’étude se base sur le cycle de vie total du vêtement incluant les énergies nécessaires à la fabrication, les transports, la matière première, l’élevage des animaux et les méthodes de fabrication. Pour ce faire, l’étude suggère de baser la production sur une échelle régionale pour réduire au maximum les transports tout en utilisant notamment des énergies solaires pour la fabrication, du compost, et une bonne gestion des sols et de l’eau.

La laine de Lani a été filé par Worsted Spinning New England dans le Maine. On a créé un french terry et une polaire avec, du côté jersey, du coton biologique et du côté bouclé ou brossé, de la laine. 

 

 

Il va sans dire que pratiquer l’agriculture régénératrice seule ne suffira pas à inverser la courbe du carbone et à faire de notre planète un espace vivant et sain. 

 

Pourquoi ? 

 

Parce qu’une culture, même régénératrice, sera toujours une culture et qu’une récente étude anglaise démontre que la biodiversité et la santé des sols sont mieux conservées dans les espaces naturels que dans n’importe quel autre type de culture****.

 

[ Credit Jordan Whitfield ]

 

Il est donc urgent de réduire notre consommation pour accélérer la re-naturalisation de certains espaces clés pour perpétuer la vie sur la Terre.

On ne parle pas ici d’un retour drastique vers un mode de vie passé mais de réduire la consommation à outrance pour éviter la surproduction. Cela permettra, entre autre, de mettre l’accent sur des façons de produire plus artisanale et respectueuse de l’environnement, de faire fonctionner l’économie locale et encourager les producteur.trices qui nous entourent.  

 

Pour aller plus loin, je vous invite à regarder : 

https://www.hudsoncarbon.com/

https://regenerationcanada.org/fr/

Et à suivre leur compte sur les médias sociaux Régénération Canada

Documentaire :

Kiss the ground, réalisé par 

*https://textileexchange.org/wp-content/uploads/2020/06/Textile-Exchange_Preferred-Fiber-Material-Market-Report_2020.pdf

**Conférence avec Rebecca Burgess, conférence au Sustainable fashion forum, Avril 2021

***Organic cotton market report, Textile Exchange, 2021

****https://www.greenbiz.com/article/regenerative-agriculture-wont-solve-fashion-industrys-pollution-problems

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