Cultiver la joie - Inspirations collection 23-24

Cultiver la joie - Inspirations collection 23-24

Publié par Lila Rousselet le

« Une couleur ne vient jamais seule ; elle ne prend son sens, elle ne « fonctionne » pleinement, du point de vue social, artistique ou symbolique, que pour autant qu’elle est associée ou opposée à une ou plusieurs autres couleurs. » Michel Pastoureau, Rouge, Histoire d’une couleur

Qui n’a jamais choisi avec soin le vêtement qu’iel voulait porter pour tel ou tel évènement ? On se marie en blanc, on porte le deuil en noir, l’espoir en vert, l’amour en rouge, l’été en jaune, la mer en bleu, le rêve en violet. On dit que porter du bleu aide à l’apaisement (est-ce donc pour cette raison que les médecins sont vêtus de bleu ?) et qu’au contraire, porter du rouge aide à convaincre. Le vert porte malheur paraît-il, mais quand est-il du rose ?

 

Les couleurs ont un sens, au même titre que les mots que l’on utilise ou encore des types de maille que l’on choisit. On communique à travers nos vêtements et, intrinsèquement, par les tissus qui ont été utilisés pour leur fabrication.

 

Le mois d’octobre marque pour nous le dévoilement de la prochaine collection. Cette année, ce sont vingt couleurs qui ont été choisies avec soin pour vous permettre de réaliser vos collections les plus folles. Vingt. Un chiffre rond, comme un ballon.

 

 

L’ensemble des couleurs de notre palette de 2022 a été conservé. Ces couleurs rentrent ainsi dans nos intemporels. Parmi les plus appréciées ; Puritan grey, Blue nights, Pine grove demeurent les piliers de notre identité de marque. Pour les accompagner, nous avons choisi de nouvelles couleurs qui nous sortent de notre zone de confort. Des couleurs soutenues, énergiques, dynamiques. Des couleurs qui nous poussent à aller plus loin, réfléchir plus grand et rêver davantage.

 

Palette des pré-ventes collaboratives 2023

 

Pour cette collection et dans le contexte actuel, j’avais envie de choisir un grand thème empreint de positivité, de bonnes ondes et de bienveillance ; cultiver la joie. Pas la joie moqueuse ou malsaine mais plutôt la joie individuelle et collective qui nous pousse à être plus créatif en tant que groupe. J’avais envie de vous partager des projets, des marques et des idées dont les projets sont intrinsèquement liés à l’idée de joie. 

Bien sûr, l’idée de m’est pas venue par hasard. Il s’agit également du titre du dernier Viewpoint colour, Joy.

Voyager par la couleur. C’est le programme qu’on vous propose aujourd’hui.

“On ne met pas fin à un sentiment, on le remplace par un autre, plus fort, plus profond, plus noble. On ne confronte pas la tristesse, on cultive la joie. » La leçon de Rosaldine, Mustapha Fahmi

 

De la joie dans l’activisme

 

« Joy doesn’t betray but sustains activism. And when you face politics that aspire to make you fearful, alienated, isolated, joy is a fine act of insurrection. » Rebecca Solnit

 

On nous répète souvent que le monde va mal, que la vie sur la planète est en péril, que nous n’avons plus beaucoup de temps. Qu’il faut drastiquement réduire notre impact, qu'il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre, qu'il faut moins consommer.

Beaucoup de « il faut » qui parfois, nous plongent dans l’inaction.

En premier vient l’acceptation. Il est important aujourd’hui de reconnaître toutes ces choses mentionnées ci-haut et d’avoir conscience qu’en tant d’individu, nous avons probablement très peu d’impact sur la vie au sens large. Éventuellement, nos actions individuelles mises bout à bout pourraient avoir plus de poids. Mais ce qui a le plus d’impact, à mon sens, sont les actions collectives. Mais comment initier et motiver les êtres à se rassembler vers un but commun ?

 

Et si la clé de l’action résidait dans la joie ? 

 

Trouver de la joie dans l’activisme, c’est la proposition que fait Ayana Elizabeth Johnson.

 

Elle part d’un constat simple en avançant l’idée qu’on est plus efficace lorsque nous agissons dans la joie que par peur ou par dépit. Elle invite les participants à se poser trois questions dont l’ensemble des réponses mènent à la solution qui nous permettra de nous mettre en action.

 

La joie est un excellent moteur de changement. De l’énergie gratuite, de celle qu’on peut consommer sans modération.

 

 « […] il est possible de passer de la colère à l’acceptation et d’écrire une nouvelle histoire qui aura du sens. Ce déclic est une vraie libération qui permet de se débarrasser de la peur et de la colère pour déboucher sur un horizon plus serein. » Pablo Servigne, lors d’une interview donnée au magazine Le Temps

 

Depuis l’été 2021, je me suis joint au regroupement citoyen de la Petite Plaza. Il s’agit d’un regroupement de voisins et voisines qui ont à cœur l'embellissement et l'animation de leur territoire, la solidarité et la convivialité. C'est avant tout des bénévoles qui se retrouvent joyeusement pour imaginer de nouvelles façons d'habiter ensemble leur quartier. Parmi les projets, des bacs ont été construits sur le toit du CHSLD Au clair (dans Rosemont PP) pour planter des légumes. Légumes qui sont redistribués aux familles dans le besoin du quartier par le biais du CRACPP. Ces activités sont extrêmement enrichissantes, tant pour les connaissances acquises que du point de vue humain. Quelle joie de voir les légumes et fleurs pousser, semaine après semaine, de les arroser avec soin, de récolter les semences à l’automne et de rouvrir les jardins au printemps. On ne sauvera probablement pas la vie sur la planète mais je reste persuadée que des actions comme celles-ci permettent de se sentir utile(s), procurent beaucoup de joie et permettent d’accepter l’avenir un peu plus sereinement.

 

 “My activism comes from passion, compassion and love. Not from anger, anxiety, or fear” Satish Kumar, Activiste indien

De la joie collective

 

 

La joie de faire ensemble. Entendre la résonance. Comprendre le pouvoir de la voix, des corps ensemble.

Il y a un chant de militantes féministes que j’écoute souvent avec plaisir. C’est une chanson chantée par plusieurs voix de femmes avec un accompagnement instrumental très discret. Sans savoir exactement comment l’expliquer, cette chanson résonne dans ma poitrine et diffuse un sentiment de force et d’appartenance.

À la fin de cet enregistrement, on entend les participantes applaudir et rire ensemble. Je crois que c’est la partie que je préfère. Le rire et la joie sont de puissants anti-dépresseurs qui nous pousse à nous dépasser, à sortir de l’inertie, à nous sentir vivant•es.

Le rire est un élément communicatif. Il rassemble, permet de se connecter les uns aux autres.

 

Dans l’artisanat, nombreuses sont les activités qui se faisaient et se font encore à plusieurs.

 

Particulièrement dans la fabrication des fibres et du tissu. Par nécessité bien sûr; monter un métier jacquard, battre le lin pour récupérer la fibre, s’occuper d’un champ de coton nécessite la force et l’ingéniosité de plusieurs personnes.

 

 

Il y a, dans le tissu, et encore plus dans le tricot, l’idée de lien. Le fil qui crée les boucles est aussi celui qui nous lie les uns aux autres, celui qui nous permet de tisser des liens, « tricoter serrer » comme on dit. Il y a aussi l’idée de transmission, d’héritage. De ces gestes répétés à travers les âges et qui se répèterons encore longtemps.

 

Au Québec, un projet a particulièrement retenu mon attention ces derniers mois. C’est le projet de Nadia Bunyan, Growing A.R.C.

 

Il s'agit d'une communauté de personnes de tout horizon qui se sont retrouvées pour "activer, rendre, et cultiver des relations avec tous les êtres" au travers de la culture de plantes telles que le lin. Le projet a eu lieu cette année au parc Jean Drapeau (Montréal, Canada) et invitait les participant•es à se rassembler pour jouer et expérimenter. Les activités étaient ouvertes à tous•tes et portaient le nom de « playdate ».

 

« En tissant des liens avec des communautés marginalisées souvent exclues des actions et dialogues environnementaux, l’OBNL vise également à élargir la compréhension des enjeux et des solutions autour de la biodiversité et inclure une diversité de perspectives et d’expériences humaines »

 

Parmi les essais qui ont été réalisés cette année il y a la culture du lin (dont les fibres vont servir à tisser un cordon), la culture de plantes colorantes et de plantes à parfum.

 

Amour

 

Extrait d’un texte du 1er juillet 2021,

 

Je réalise aujourd’hui la chance que j’ai d’aimer et d’être aimée par ma famille, mes ami•es, les gens avec qui je travaille. Il existe des milliards de façon d’aimer. Penser l’amour comme un acte révolutionnaire, c’est l’envisager sous toutes ses formes. De l’amour que l’on porte aux personnes qui nous entourent à celui que l’on porte à nos objets, nos vêtements, aux corps qui les habitent, aux gestes du quotidien, aux plantes, à la Terre et au vivant en général.

 

Prendre soin de ce qui nous entoure, c’est avoir conscience des choses et des gens, c’est être à l’écoute, apprendre à donner et à recevoir. C’est un échange, une connexion consciente à l’autre et à la vie.

 

Je pense qu’il est nécessaire aujourd’hui de cultiver cette ouverture pour ne pas sombrer dans l’amertume et la tristesse, pour que la vie continue malgré tout, pour qu’elle soit pleine de surprises et de beauté. Oui, je crois qu’on a besoin de beau. 

 

Prendre soin de…

 

 

Prendre soin de nous. De vous. Des choses et des êtres qui nous entourent. En prenant soin, on regarde l’autre différemment.

Comment les histoires que l’on vit avec nos vêtements renforcent l’attachement qu’on leur porte ? Et si être attaché à ses vêtements étaient la clé pour des vêtements qui durent ?

On entretient des relations intimes avec les vêtements que l’on porte. Ils portent souvent la trace et les souvenirs de notre vécu.

J’ai fabriqué ce pull il y a peu. J’ai tâché la manche avec du vin rouge au chalet avec ma sœur. Sans faire exprès, un accident, la bouteille m’échappe des mains comme beaucoup de choses dans la vie.

J’ai ce tempérament maladroit. Normal me direz-vous, je suis gauchère. J’ai pensé à remplacer la manche mais je crois que j’ai plaisir à revoir ces toutes petites taches grises. Elles me rappellent un souvenir heureux. Celui d’être avec ma sœur venue de loin pour me rendre visite.

 

Les vêtements racontent des histoires, ils sont les témoins des souvenirs de la personne qui les a habités.

 

« En transformant notre rapport aux vêtements, nous leur donnons de la valeur. Et cette valeur est convertible sur le plan écologique. » Hoopal

 

En fait de durabilité émotionnelle, on a, au Québec, une formidable équipe de couturières-infirmières qui peuvent se charger de soigner nos ami•es en tissu. Ça s’appelle « L’hopital pour personnes en tissus » et l’équipe n’est nulle autre que celle de Raplapla, une marque montréalaise de jouets pour enfants.

 

[ Crédit photo Raplapla ]

 

« Urgences, chirurgie oculaire, surdose de lessive, “accident” de grand frère, coup de sécheuse ou méfaits du temps sont guéris avec humanité par une équipe de professionnels. » 

 

Le procédé d’admission est simple, il vous suffit d’envoyer votre compagnon de tissu accompagné du formulaire d’admission pour obtenir un rendez-vous (garanti dans les plus brefs délais en cas d’urgence). Des patient•es de tous les âges ont été soigné•es à l’hôpital par les doigts de fée de Dominique. L’initiative touche tout le monde, petits et grands y envoient leurs doudous pour des soins garantis dans le respect et la bienveillance (bien entendu).

 

Ces dernières années ont vu l’arrivée de nouveaux artisans et marques qui utilisent des retailles et déchets de l’industrie de la mode pour créer de nouveaux produits ou vêtements. J’avais envie ici de vous partager l’initiative de Catherine Kotuiga au travers de sa marque de vêtement Baba mode consciente. Elle récupère des tissus empreints d’histoires qu’elle chine sur marketplace pour créer de nouveaux vêtements. Sa joie est communicative, il suffit de regarder son compte Instagram pour s’en rendre compte.

 

[ Crédit photo Baba Mode Consciente ]

 

Et je ne pouvais pas tellement terminer cet article sans parler de tous ces gens qui proposent des alternatives pour réparer vos vêtements. Que ce soit Arounna Khounnoraj dont vous pouvez admirer le travail sur les réparations visibles sur son compte Instagram @bookhou ou la formidable initiative des Repair cafés, ces lieux où vous êtes invités à apporter vos objets et vêtements abimés pour les faire réparer, toutes ces petites initiatives sont empreintes d’amour et de bienveillance envers les choses qui nous entourent au quotidien.

 

Le mot de la fin

 

Voilà déjà le mot de la fin. Je me rends compte en le terminant qu’il est très personnel mais comme tout est lié(s) (la vie, l’entreprise, la personnalité), difficile de faire autrement. Alors voici les quelques mots pour terminer.

Créons des champs de joie, celui des possibles.

Faisons la révolution avec des mots d’amour, cultivons la joie, faisons pousser le désir, apprenons toujours et tout le temps. Aimons.

 

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