Pour la première fois de ma vie, j’ai été invitée à participer à un évènement international qui a fait beaucoup parler de lui ces derniers jours : la COP15.
La COP15 c’est le sommet de l’ONU sur la biodiversité. Je ne rappellerai pas ici ce qu’est la COP15. C’est un peu comme les chansons de noël qu’on entend partout en ce moment. Cependant, je vous invite à lire cet article du Devoir qui en parle : 15e Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15)
J’ai été invitée à assister à cet évènement par l’organisme Textile Exchange qui est une ONG dont le but est d’accompagner les marques, fabricants et producteurs de l’industrie du textile vers une mode plus respectueuse de l’environnement.
J’utilise particulièrement leurs rapports sur la consommation mondiale de fibres et je participe aux tables rondes sur les fibres artificielles et sur le coton. Je lis chaque semaine les différents sujets qui ressortent du forum de discussion, j’apprends beaucoup, je trouve des noms de fournisseurs, j’effectue mes recherches.
Quelle fierté pour moi d’être invitée à un évènement aussi important par un organisme que j’admire.
J’y allais un peu naïvement dans l’espoir de rencontrer des personnes du monde entier aussi passionnée que moi. Même si mon opinion sur ce genre de sommet reste mitigée, j’y allais aussi par curiosité.
Cette année, beaucoup de personnes du secteur privé étaient présentes et plusieurs de ces entreprises travaillent dans le secteur de la mode. On parle de grosses entreprises telles que Inditex (Zara), H&M, Gildan, Victoria Secret ou encore Converse. Elles avaient toutes répondu à l’appel de l’ONG Business for nature et sa campagne « Make it mandatory ». Cette dernière regroupait 330 signataires du secteur privé et de la finance et avait pour but d'amplifier l’importance de l’objectif 15 de l'accord et demander aux gouvernements du monde entier de rendre obligatoire l’évaluation et la divulgation des impacts et dépendances des entreprises sur la biodiversité d’ici 2030.
À priori, de notre côté, on peut difficilement être contre ça. En revanche, je me suis demandée en signant si les entreprises citées plus haut avaient vraiment un intérêt prononcé sur la question. Mauvaise langue me direz-vous. Cela dit, ça fait toujours bien dans une campagne marketing.
J’ai été déçue de voir sur le premier panel de discussion sur le secteur mode, une représentante de H&M parler de son programme pour encourager l’agriculture régénératrice en Afrique du Sud. Ne vous méprenez pas. C’est super l’agriculture régénératrice et plus on en parle, mieux c’est, mais bon, je pense que H&M a bien d’autres sujets à travailler en matière de développement durable…
Même si je pense que ces entreprises ont leur place à la COP15 et que c’est important (voire urgent) qu’elles fassent leur part, les voir citer en exemple m’a un peu chiffonnée.
Peut-être trouveront-elles de l’inspiration ou des idées en participant aux conférences mais toujours est-il qu’elles sont loin d’être exemplaires en matière de protection de la biodiversité. Rappelons que H&M a été accusée plusieurs fois pour avoir fait usage de greenwashing. J’ai aussi du mal à penser que des entreprises de cette taille puissent faire quoi que ce soit pour améliorer leurs impacts sur l’environnement si elles continuent de produire à la vitesse à laquelle elles le font. Malheureusement, sur ce panel, et à aucun des autres évènements auxquels j’ai participé, nous n’avons pas parler de dépendances aux fibres synthétiques ni de surproduction.
Je nuancerai mon propos en disant que la COP15, c'est aussi un endroit où on fait des compromis alors peut-être que voir un H&M faire des efforts, c'est plus convaincant qu'une petite Montloup. C'est probablement la raison pour laquelle ces entreprises étaient invitées en premier lieu.
Crédit photo : Anne Nygard
Dans le second panel, une des panelistes a rappelé que les humains faisaient partie de la biodiversité et que c’était un non-sens de laisser de côté la responsabilité sociale des entreprises en matière de salaires et de conditions de travail. J’ai retenu que l’agriculture régénératrice est devenue « fashion » ou « mainstream ». Plusieurs représentant•es d’entreprises se lavent aussi les mains en remettant la faute sur leurs fournisseurs. À mon sens, c’est mettre la pression sur les fabricants sans les aider financièrement à faire les changements. Parce que le changement, ça coûte cher. Notre modèle économique étant basé sur le profit, la plupart des grandes entreprises de mode exigent des prix toujours plus bas. Comment peut-on espérer de la part des agriculteurs ou des fabricants de faire des changements profonds si on ne les soutient pas dans le changement ? Et par soutient, on parle d’un engagement formel à acheter une certaine quantité par année et à payer une partie de la facture d’avance pour leur permettre de mettre en place des solutions. Parce qu’attendre d’être payé à la réception des produits (ce qui peut être plusieurs mois plus tard dans le cas d’un vêtement), c’est encourager un système basé sur l’endettement. Et puis quand on parle de fabrication de coton, on parle surtout d’agriculteurs localisés dans les pays du Sud grandement touchés par les changements climatiques.
Le point suivant a été soulevé dans une des rencontres :
On ne peut pas, en tant qu’entreprises, gouvernements et organismes de pays riches, majoritairement blancs et colonisateurs, exiger de la part des fournisseurs des pays du Sud, déjà sous pression, de faire les changements et de payer entièrement pour.
Sur le panel de discussion sur l’agriculture régénératrice animé par Textile exchange, Kering et l’UNDP, on parlait justement des solutions pouvant être apportées aux agriculteurs pour les aider dans la transition.
L’une d’entre elle serait de mettre en place une résilience des approvisionnements pour sécuriser les achats d’une année à l’autre plutôt que de chercher toujours le moins cher. Helen Crowley de Pollination soulignait que pour la première fois, beaucoup d’entreprises du secteur mode étaient présentes à cette COP. Le secteur mode est en effet, très dépendant de la nature. Cela dit, elle s’indignait du fait que les politiques ne s’intéressent pas à la mode et du fait qu’on soit tous au même évènement pour les mêmes raisons sans pour autant se croiser et discuter de ces sujets.
Le représentant du gouvernement indien, Justin Mohan, tout comme son homologue salvadorien, Miguel Gallardo, parlait de la nécessité de mettre en place des partenariats durables avec les agriculteurs que ce soit financier ou entrepreneurial. Les risques doivent être partagé entre les parties et ne plus reposer seulement sur les agriculteurs. Ils mentionnaient également la nécessité de travailler avec l’inconsistance, de partager les ressources et les alternatives disponibles. Dimanche, Sarat Gidda, directeur de l’entreprise RaddisCotton, demandait que les entreprises mettent plus de cœur et d’empathie dans leur façon de faire du commerce. Il demande que les certifications soient plus inclusives et qu’elles soient disponibles dans la langue natale des agriculteurs. À l’heure actuelle, elles sont souvent disponibles uniquement en anglais.
Il y a autre chose que j’ai retenu de ces rencontres, c’est l’importance de parler ensemble autour de tables de ronde, de groupes de travail ou autres formes de regroupements. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je participe à la communauté de pratique du secteur mode textile et habillement dirigée par Concertation Montréal.
« Mise en place en 2021, cette communauté de pratique vient répondre au besoin criant des PME de s’allier pour transformer les pratiques du secteur stratégique du textile et de l’habillement vers des modèles d’écoresponsabilité et de circularité. »
Pour finir, j’ai trouvé que très peu d’actions concrètes étaient présentées mais j’ai retenu celles énoncées par la ministre de l’écologique du Kenya. Depuis peu, le pays a mis en place un plan sur 10 ans qui inclus notamment le fait de rendre la production durable plus centrale en imposant notamment aux entreprises de divulguer leurs procédés de fabrication, leurs émissions toxiques et leur gestion des déchets. Le pays souhaite également être un leadeur en matière d’économie circulaire pour supporter les entreprises à s’éloigner du modèle linéaire et les aider à faire des changements profonds dans leur modèle d’affaires. Pour ce faire, il souhaite imposer de nouvelles lois pour transformer leur système économique et financier.
Je crois que c’est ce dont on a besoin, des actions concrètes.
À l’heure où j’écris ces lignes, l’accord a été signé par consensus par les quelques 200 pays qui participaient à l’évènement. Ils se sont entendus pour protéger 30% des espaces naturels de la planète d’ici 2030. Même si l’accord est loin d’être parfait, beaucoup s’entendent à dire qu’il est historique. Pour avoir une idée des 23 objectifs, je vous invite à lire l’article de Radio Canada sur le sujet :
Un accord historique et « ambitieux » sur la biodiversité adopté à la COP15 de Montréal
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Que pensez-vous du lin si les agriculteurs québécois en produisaient.
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