En 2021, le polyester représentait plus de 52% de la production mondiale de fibre [i]. Un article textile sur deux contient majoritairement du polyester. Pour une fibre seulement brevetée en 1941 par deux chimistes anglais, John Rex Whinfield et James Tennant Dickson [ii], c’est un exploit. Mais comment le polyester est-il entré dans nos garde-robes au point de nous en faire perdre la raison ?
Il est important que vous sachiez que la plupart des informations contenus dans cet article proviennent d’un article de Virginia Postrel, « How polyester bounced back » pour le site Work in progress.
Ce qui est certain, c’est qu’il n’en a pas toujours été ainsi. À son arrivée sur le marché dans les années 60, le polyester représente la liberté. Facile à colorer et peu cher à la fabrication, il fait le bonheur des fabricants comme des consommateur•ices. Il est facile d’entretien, léger et infroissable, il représente la nouveauté. Mais une dizaine d’années plus tard, le polyester perd de sa popularité. Il bouloche, s’étire, ne respire pas. Comble du mauvais goût, la consommation chute et le marché s’effondre.
Crédit photo : Morgane Clément Gagnon
Pour résoudre le problème, les fabricants choisissent alors de changer de cible. Plutôt que de viser la mode féminine, on investit dans la recherche et le développement pour que les tissus en polyester deviennent des tissus de performance. À une époque où le sport devient un élément important au sein de notre société occidentale, le polyester s’impose alors comme une fibre de choix pour les vêtements de course, de montagne ou de sport d’hiver.
Pour la petite histoire, c’est Mary Ellen Smith, employée de l’entreprise Patagonia qui, dans les années 80, est allée chercher des industriels et scientifiques pour créer les tissus qui s’adapteraient parfaitement aux produits de l’entreprise. Le premier, c’est le fameux Polar Fleece. Créé par l’entreprise Malden Mills, il s’agit d’un tissu polaire brossé sur les deux côtés, confortable, qui tient chaud sans retenir l’humidité. Au contraire de la laine qui s’alourdit avec l’humidité, le polyester reste léger. C’est le tissu utilisé pour la fabrication du produit phare de l’entreprise : son chandail au bloc de différentes couleurs.
Crédit photo : Charles Deloye
Le second exploit concerne les vêtements plus proches du corps, la sous-couche qui doit tenir chaud sans retenir l’humidité. Pour ce faire, l’entreprise utilise les services de Milliken & Co pour développer un traitement capable d’évacuer la sueur vers l’extérieur plutôt que de l’absorber dans le tissu.
Quelques années plus tard, c’est au tour du géant de la basket Nike d’investir quelques milliers de dollars dans la recherche d’un tissu idéal pour ses tshirts de sport. Avec la naissance du sportwear puis son avènement au début des années 2000, le polyester a ensuite envahi le marché jusqu’à obtenir la première place du podium aujourd’hui (avec tous les problèmes que ça peut engendrer).
Crédit photo : Patrick Hendry
Il est fascinant de voir à quel point investir dans la recherche et le développement peut mener à des changements profonds dans nos façons de consommer. C’est pourquoi il est essentiel aujourd’hui de continuer d’investir pour créer des tissus qui soient à la fois performants et durables mais aussi écologiques. Pas besoin de regarder loin en arrière pour se rendre compte qu’il est possible de faire changer les choses en investissant du temps et de l’argent. Chez Montloup, on fait le choix chaque année de réinvestir les profits de l’année précédente dans la recherche. Bien évidemment, nous n’avons pas le poids de Patagonia ou de Nike, nos investissements sont à la hauteur de la taille de notre entreprise. L’Histoire nous montre également que la recherche peut prendre des années pour aboutir à quelque chose de viable. C’est une supposition, une hypothèse, l’espoir de créer un tissu qui soit intéressant et vendable. Au travers de cet article, on avait aussi envie de vous présenter le résultat de quelques recherches passées.
#1 Nos recherches avec la fibre de chanvre. Depuis la création de l’entreprise, on a essayé différents tissus que vous pouvez tous retrouver dans la section Chanvre de notre site web.
Mais pour pouvoir faire ces essais, nous avons investi dans une quantité de fil importante. Cette recherche est toujours en cours depuis plus de 3 ans maintenant. Certains de nos styles sont concluants comme notre polaire 70% coton bio, 30% chanvre mais nous travaillons toujours à développer un jersey qui soit à la fois confortable et possible à produire à grande échelle. Le tout en restant compétitives.
#2 Notre polar sherpa. On parlait de Patagonia un peu plus haut, et bien l’an passé, nous avons essayé développer un Polar fleece 100% coton bio. Le résultat a été concluant seulement au 3ème essai et on est plutôt fières du résultat ! Le tissu est doux, confortable et durable. Cependant, pour ajouter un côté plus thermique à notre tissu, nous allons faire d’autre essais avec un faible pourcentage de laine Rambouillet des États-Unis. Ce tissu n’a pas pour vocation de remplacer le polyester dans les vêtements de haute-performance mais plutôt pour les vêtements d’extérieur de tous les jours. Parce qu’on s’entend, si certaines innovations sont essentielles pour améliorer le confort des sportifs de haut niveau, elles ne sont pas nécessairement essentielles au commun des mortels. On ne grimpe pas l’Everest toutes les fins de semaine !
#3 Notre velours. Vous nous le demandez depuis si longtemps ! Le résultat est loin d’être parfait mais c’est un bon début. Pour la petite histoire, beaucoup de velours était produit à Montréal jusqu’en 2016 où le dernier finisseur de velours a abandonné ce type de finition, faute de demande. Le velours V40BCPBC a été fini chez un nouveau partenaire qui était prêt à l’essayer. Le dos est encore à améliorer, le tissu est peut-être un peu trop léger mais on est quand même bien contentes du résultat !
[i] Textile-Exchange_Preferred-Fiber-and-Materials-Market-Report_2021
[ii] https://www.qualitynylonrope.com/blog/the-complete-history-of-polyester/
Article de Virginia Postrel : https://www.worksinprogress.co/issue/how-polyester-bounced-back/